Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/127

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se retire dans sa coquille. Pour lui, la guerre était finie.

Il promenait dans la tranchée une indifférence si majestueuse, il participait aux opérations de son régiment avec un air si poliment excédé, que cela inspirait un découragement général. On eût dit, vraiment, qu’il se trouvait là par erreur et quand le caporal lui demandait de prendre la veille, il avait une telle façon de sursauter et de répondre : « Comment dites-vous ? » en ouvrant des yeux étonnés, que l’autre en écumait, comme pris du haut mal.

Son bataillon était en première vague le matin de Craonne. À peine avaient-ils parcouru cinq cents mètres d’une course haletante, courbés, fusil au poing, qu’ils durent se terrer, pris en écharpe par des mitrailleuses soudainement démasquées.

Par grappes, ils s’entassèrent dans les entonnoirs, abasourdis par les 105 et les 130 qui grêlaient. Tout à coup, dans la fumée déchirée, ils aperçurent les chasseurs à pied qui fonçaient pour les dégager et dépassaient leur ligne, au pas de charge, maintenant d’une main la musette à grenades.

Jean de Crécy-Gonzalve, tendant son cou d’autruche, assura son monocle pour les regarder passer et le plus poliment du monde, il s’inquiéta :

— Où vont ces messieurs ?

Les copains ahuris ne trouvèrent rien à lui répondre. Après une seconde préparation d’artillerie, ils tentèrent un nouveau bond, et ce fut