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LE PRISONNIER BÉNÉVOLE


Chaque fois qu’un fracas d’obus s’engouffrait dans la cave, faisant vaciller la flamme de la bougie, et que la voûte tremblait sous un écroulement, une voix amère répétait dans l’ombre :

— C’est ce qu’ils appellent être en réserve de deuxième ligne.

Et les autres territoriaux, prostrés, la gorge sèche, approuvaient d’un hochement de tête muet le camarade qui avait encore le courage de s’indigner. Entre deux salves de fusants, dont on entendait cingler au-dessus des ruines l’horrible coup de fouet, la même voix raillait.

— Oui, ils nous ont déniché le bon coin… Des hommes de notre âge, si ce n’est pas dégoûtant…

Et il se trouvait toujours un autre militaire grisonnant pour ajouter, du fond du cœur :

— Ah ! les salauds !

Cette exclamation, qui pouvait s’adresser aussi bien aux boches qu’à notre haut commandement, aux artilleurs, aux civils, aux embusqués de la C. H. R., et en général à tous les individus qui ne se trouvaient pas ce matin-là dans les caves de ce château d’Artois dont les 210 achevaient de pulvériser les derniers murs.