Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/94

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ment de l’entrée, où un éclat pouvait cingler. Revenus de leur alerte, les territoriaux les regardaient sous le nez, plus curieux qu’hostiles. Le colonel chercha bien à les interroger, mais aucun ne comprenant le français, il dut y renoncer.

— Qu’on les conduise immédiatement à la brigade. ordonna-t-il. Deux hommes…

Et il rentra dans son bureau souterrain. La satisfaction des territoriaux était subitement tombée.

— C’est pas à moi ! dirent-ils à six en même temps.

Mais le sergent ne laissa pas la discussion s’engager, et, ayant consulté sa liste, il désigna les deux premiers.

Mahieu, qui savait bien que c’était son tour, rognonna tout de même, histoire de se soulager :

— J’en étais sûr… C’est toujours moi qui écope pour les autres…

Quant à Grandjean, que les autres surnommaient Grande Gueule, et qui le méritait bien, il associa les Allemands à son allégresse en leur grognant sous le nez :

— Est-ce qu’ils n’auraient pas mieux fait de crever, ces vaches-là…

Puis le ceinturon bouclé, le fusil à la bretelle, les deux soldats sortirent avec leurs prisonniers. Sitôt dehors, les Allemands effrayés s’étaient mis à courir, tournant parfois une tête peureuse vers la côte d’où leurs batteries bombardaient le village, et les territoriaux les suivaient en soufflant.