Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/134

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Alors ils protestent tous, même Berthier, bruyamment :

— Hou ! Assez !

— Si tu t’y plais, rempile.

— Le bon temps, les relèves dans la boue ! tu vas fort.

— Et la corvée de tôle ondulée, la nuit où il pleuvait, tu l’as oubliée ? Tu gueulais pourtant assez.

— Est-ce que c’était le bon temps, le seize à midi moins deux ?

Je ris, heureux de les entendre crier :

— Vous verrez !

La mère Monpoix, qui s’amuse autant que nous, tournant le coin de son tablier bleu, m’approuve dans le brouhaha !

— Certainement, vous regretterez la ferme.

— On y reviendra, la maman !

Bourland s’est levé pour aller prendre son violon. Il l’a fabriqué lui-même avec une boîte à cigares et des cordes qu’il a fait venir de Paris et c’est à ce joujou, à cet instrument de cirque, que nous devons nos meilleures soirées.

Il l’accorde — deux plaintes — et aussitôt on se tait. Musique, notre amie à tous…

C’est l’adagio de la Pathétique qu’il joue. Tout s’apaise… Musique ardente et tendre comme nos cœurs. Y a-t-il rien de pathétique dans ce long frisson ? Non… C’est comme un beau rêve déchirant. Et puis, qu’importe ce qu’il joue… La Mort d’Aase, un aria de Bach, je ne sais plus. La pensée ne suit pas. Autant de trames ténues où brodent nos songes.

Nous écoutons, l’esprit et les regards en allés. Voici