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VII
AU CAFÉ DE LA MARINE


On avait dit à Demachy : « Tu les retrouveras au Café de la Marine, près du pont de pierre. »

Le grand pont aux piles ébréchées ne se franchissait plus que la nuit. Le jour, il suffisait qu’un cycliste s’y montrât pour déchaîner une salve qui fouettait furieusement l’eau ou arrachait un pan de parapet. Arrivé à la fin de l’après-midi, Demachy passa la rivière en amont, sur le pont de bateaux.

Dans l’eau verdâtre, qui frissonnait à peine, les hauts peupliers plongeaient jusqu’à leur cime, comme s’ils avaient encore cherché du ciel dans l’eau tranquille. Une grosse péniche dormait près de la berge, couchée sur le côté. Ses planches arrachées laissaient voir la cale vide, entre ses énormes côtes de bois, et l’on se demandait comment cette carcasse de baleine était venue s’échouer si loin.

La rivière froufroutait, en se brisant sur les bateaux du pont. C’étaient de ces petites barques, vertes ou noires, de pêcheurs, qu’on mène d’une rame indolente,