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VIII
LE MONT CALVAIRE


Du Bois des Sources, on le voyait entre les branches, où se posaient en essaims verts les premiers bourgeons. Hersée par les obus, éventrée à coups de torpilles, usée, tragique, c’était une haute butte crayeuse, hérissée de quelques pieux qui avaient été des arbres. Sur les cartes d’état-major, elle devait avoir un nom. Les soldats l’avaient appelée le mont Calvaire.

C’était l’enfer du secteur. Lorsque le régiment montait en ligne, on se demandait, anxieux : « Qu’est-ce qui prend au Calvaire, ce coup-ci ?… » Et quand on l’avait appris, les victimes grognaient :

— Toujours les mêmes… Sûr que le piston s’en fout, on ne le verra pas souvent là-haut…

Bombardé sans répit, le Calvaire fumait comme une usine. On voyait les torpilles monter du bois des Boches et tomber lourdement sur cette terre morte, où elles ne pouvaient plus rien arracher que des lambeaux d’hommes et des cailloux. La nuit, c’était là qu’on tirait le feu d’artifice : globes rouges, étoiles