Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/249

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la relève, attendre les lettres, attendre la soupe, attendre le jour, attendre la mort… Et tout cela arrive, à son heure : il suffit d’attendre…



Quelqu’un a brusquement soulevé notre toile de tente, et cela a jeté dans le caveau une pelletée de jour.

— Venez vite, Bréval est blessé.

Demachy s’est redressé. Il dormait, une voilette nouée sur la figure, à cause des mouches.

— Hein ! Bréval ?

Et sans retirer sa voilette à ramages, qui sent encore la poudre de riz, il a couru vers la chapelle aux fusées, où l’on a traîné le caporal.

Il est blessé à la poitrine : une balle de shrapnell. Couché, la tête sur la marche de l’autel, il regarde les copains avec des yeux inquiets, de grands yeux apeurés. En apercevant Gilbert il a fait un signe de tête, comme un bonjour.

— Je suis content de te voir, tu sais.

Demachy, les mains tremblantes, dénouait sa voilette.

— C’est commode ton truc, lui dit Bréval. Avec ces garces de mouches, on ne peut pas dormir. On avait tort de se foutre de toi.

Tout de suite fatigué, il a fermé les yeux. Malgré le paquet de pansement, une tache brune s’élargit sur sa capote. Il est bien touché. Brusquement, sa lèvre s’est détendue, et, comme un gosse, il s’est mis à pleurer, à sangloter, avec une plainte douloureuse sous, les larmes convulsives.