Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/289

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l’un était éboulé, ses étais broyés par une torpille. Sur une planche, à l’entrée, quelqu’un avait écrit comme épitaphe :

Ici des soldats Allemands.

Dans l’autre abri, une moitié de la section pouvait dormir, pendant que les camarades prenaient la veille.

Il s’était remis à pleuvoir, une pluie pressée qui cinglait par rafales, vous plaquant sur le dos la capote trempée. Son mouchoir noué autour du cou pour arrêter l’eau, Gilbert toussotait. Le général ayant interdit, sous peine de prison, le port des caoutchoucs, il avait dû se défaire du sien et avait pris froid. Pour se préserver de la pluie, les uns s’étaient taillé dans des sacs de couchage en toile huilée des chasubles jaune serin qu’ils attachaient avec des ficelles. D’autres se faisaient des capuchons de leur toile de tente, tout de suite transpercée. Lemoine, qui ne craignait que pour ses souliers troués, avait mis en guise de snow-boots deux sacs à terre tout neufs qui lui venaient à mi-jambe, et, dressé sur ces pieds évasés d’éléphant, il se tenait sur une planche, avec une échine résignée de vieux héron, les deux mains dans les poches. Quant au petit Broucke, insensible à tout, sa capote mal boutonnée laissant ruisseler l’eau sur sa poitrine maigre, il dormait tout debout, accoté à la paroi visqueuse, le coude maintenu par le soulier du Prussien qui dépassait.

Les explosions étaient plus sourdes, étouffées par la pluie, la lueur des fusées se diluait dans ce mouvant bassin et les éclatements d’obus se voyaient comme