Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/298

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guer sans qu’on y pensât : on recharge, on épaule, on tire…

— Cessez le feu ! cria une voix derrière nous.

Ricordeau, monté sur des sacs à terre, regardait la plaine déchirée de lueurs. La fusillade arrêtée, les tonnantes explosions du barrage s’entendirent mieux. Les têtes se cachèrent.

— C’était pour nous attirer dehors, dit l’adjudant. Maintenant ils vont marmiter dur… Allons, tout le monde dans l’abri.

En cohue, on s’entassa dans l’escalier de la cagna. Les 210, qui venaient en soufflant, semblaient pousser les derniers, d’une poigne brutale. On s’empilait, aveugles…

— Allumez, bon Dieu !… Qui c’est qui a un briquet ?

Une bougie éclaira le gourbi, vaste, bas, paraissant s’arc-bouter pour soutenir ce faix sur ses étais trapus. Là-haut, cela tonnait plus fort, et, à chaque coup de bélier, on sentait trembler les rondins.

— Est-il resté un veilleur là-haut ? demanda Ricordeau dont la face poupine reluisait à la bougie.

Personne ne répondit.

— Il y a ceux du poste d’écoute.

— Ça ne suffit pas, il faut désigner un homme. C’est à ton escouade, Maroux.

Le caporal, par principe, rognonna « naturellement… » et il nous demanda : « À qui c’est de marcher ? »

Un nouveau dit tout de suite :

— C’est pas mon tour… Il y a Bouffioux qui n’a pas encore pris.