Page:Dorgelès - Les Croix de bois.djvu/8

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— Tu parles d’une guerre, même pas un clocher de démoli !

Puis, les maisons ouvrirent les yeux, les chemins s’animèrent, et retrouvant de la voix pour hurler des galanteries, ils jetèrent leurs fleurs fanées aux femmes qui attendaient, sur le môle des gares, le retour improbable de leurs maris partis. Aux haltes, ils se vidaient et faisaient le plein des bidons. Et vers dix heures, ils débarquaient enfin à Dormans, hébétés et moulus.

Après une pause d’une heure pour la soupe, ils s’en allèrent par la route, – sans clique, sans fleurs, sans mouchoirs agités, – et arrivèrent au village où notre régiment était au repos, tout près des lignes.

Là, on en tint comme une grande foire, leur troupeau fatigué fut partagé en petits groupes – un par compagnie – et les fourriers désignèrent rapidement à chacun une section, une escouade, qu’ils durent chercher de ferme en ferme, comme des chemineaux sans gîte, lisant sur chaque porte les grands numéros blancs tracés à la craie.

Bréval, le caporal, qui sortait de l’épicerie, trouva les trois nôtres comme ils traînaient dans la rue, écrasés sous le sac trop chargé où brillaient insolemment des ustensiles de campement tout neufs.

— Troisième compagnie, cinquième escouade ? C’est moi le cabot. Venez, on est cantonné au bout du patelin.

Quand ils entrèrent dans la cour, ce fut Fouillard, le cuisinier, qui donna l’alerte.

— Hé ! les gars, v’là le renfort.

Et ayant jeté, devant les moellons noirs de son