Page:Dornis - Essai sur Leconte de Lisle, 1909.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

parce que « nul baiser n’a brûlé leur belle bouche.[1] » Il les décrit, ces vierges grecques, avec un lyrique transport : leurs tempes sont ornées d’hyacinthes ; leurs robes sont nouées à leurs genoux de neige ; leur rire éblouissant rayonne ; une forme parfaite arrondit leurs bras nus. Elles sont grandes « et semblables aux flères chasseresses qui passent, dans les bois, sur le déclin du jour ». Et jamais le poète n’est las de contempler leurs sourcils noirs : « arqués sur leurs yeux bleus » ; leurs fronts : « coupés de fines bandelettes ; leurs cous : « flexibles et blancs comme le lait ».

Si, une fois, en face d’elles, il exprime un souhait, ce souhait est présenté avec des grâces exquises de pudeur :


« Que ne suis-je, Ô chère Maîtresse
Le réseau charmant, qui contient et presse,
Le ferme contour de ton jeune sein.[2] »


Le jour où il évoque, dans leurs séductions tentatrices, les nymphes des eaux, qui attirent leurs amants à l’abîme, il ne ferme pas les yeux sur les beautés qui les font troublantes. Il voit le trésor abondant de leurs cheveux dorés ; il admire la souplesse de leurs corps ; il sent les promesses de plaisir, qui, dans l’onde transparente « rosent leurs jeunes seins d’albâtre » ; il entend les paroles qu’elles murmurent à fleur d’eau avec des lèvres de volupté :


« Viens ! nous consolerons tes tristesses naïves
Et nous te bercerons sur nos genoux polis.[3] »


Mais il échappe à ces enchantements. Son admiration se tourne vers la vierge Thyoné, la chasseresse qui, vivant pour un idéal de liberté, s’écrie :

  1. « Odes Anacréontiques ». Poèmes Antiques.
  2. « Odes Anacréontiques ». Poèmes Antiques.
  3. « Thyoné ». Poèmes Antiques.