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ESSAI SUR LECONTE DE LISLE

dans sa bouche, qui voudrait être consolatrice, des paroles que la foi ingénue pourrait prendre pour une adhésion au Credo :


«... Mais tu sais aujourd’hui ce que vaut ce blasphème,
Ô fils du charpentier, tu n’avais pas menti !…[1] »


Qu’est-ce à dire ? Leconte de Lisle pense-t-il que Jésus est, comme il l’a affirmé, le fils de Dieu ? Non, pas le fils de Dieu, mais Dieu « un Dieu », lui-même. Un Dieu, pareil aux autres Divinités, formidables ou adorables, que l’homme a haussées de la terre au ciel :


« … Car tu sièges auprès de tes Égaux antiques,
Sous tes longs cheveux roux, dans ton ciel chaste et bleu ;
Les âmes, en essaims de colombes mystiques,
Vont boire la rosée à tes lèvres de Dieu !…[2] »


Cette conception a été, si sûrement, l’expression même de la pensée de Leconte de Lisle qu’il aimait à rappeler, à propos de cette pièce, une inspiration identique de son ami Louis Ménard qui a pour titre Le Panthéon des Dieux[3] : Mais en cette rencontre, ce qui est bien personnel à l’auteur du Nazaréen, c’est la nette affirmation de « l’éternité » de la survivance de la doctrine morale de Jésus. Le mot est placé à la fin de la pièce avec la même intention qui, ailleurs, lui fait qualifier le Christ du « dernier des Dieux » :


« … Tu n’auras pas menti, tant que la race humaine
Pleurera dans le temps et dans l’éternité.[4] »


Au moment où Leconte de Lisle écrit ces lignes, il est persuadé que l’œuvre morale, historique et philosophique du Christianisme primitif n’est pas terminée, à une condi-

  1. « Le Nazaréen >. Poèmes Barbares.
  2. lbid.
  3. Louis Ménard : Les Rêveries d’un Païen mystique.
  4. Ibid.