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LA CONCEPTION POLITIQUE

lieu de tant d’agonies, il jette ce cri d’amour passionné :


« … Ville auguste, cerveau du monde, orgueil de l’homme,
               Ruche immortelle des esprits,
Phare allumé dans l’ombre où sont Athènes et Rome,
               Astre des nations, Paris !…[1] »


Ce Paris, « cerveau du monde », le poète ne se contente pas de le louer, en contemplateur, en historien. Pendant ces deux années sanglantes, la douleur qu’il éprouve à voir la patrie en danger, réveille en lui, le goût que, dans sa jeunesse, il a eu, de mettre l’action au service de la pensée. Ses lettres du Siège qu’il écrit, le fusil en travers de ses genoux, sont pleines de cris de colère contre ceux qui ont la charge de commander cette défense de Paris, où l’honneur de la France et les destinées de la République sont en jeu :

« … Les hommes, qui sont à la tête de la République, ne me semblent pas avoir l’énergie nécessaire pour les circonstances[2]… » « … On fait tout, mais trop lentement. Le gouvernement n’a pas d’initiative…[3] » « … Nos chefs n’agissent pas. Le temps passe et nous finirons ainsi par capituler faute de vivres…[4] » « … L’effroyable impéritie de nos Gouvernants décourage une admirable population…[5] »

Il y a des minutes, d’enthousiasme et d’indignation, où il rêve qu’on lui confie la charge de diriger ces âmes hésitantes pour les orienter du côté du devoir et de l’honneur, à travers tous les sacrifices :

« … Si j’étais demain dictateur de Paris, on verrait ce que c’est que d’avoir des idées absolues !… J’ai déjà entendu de gros bourgeois parler de se rendre !…[6] »

  1. « Le Sacre de Paris, 1871 », en brochure. Poèmes Barbares. 1884.
  2. Paris, 5 septembre 1870.
  3. Paris, 25 octobre 1870.
  4. Paris, 12 novembre 1870.
  5. Paris, 9 février 1871.
  6. Paris, 5 septembre 1870.