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L’HOMME

Mais la résolution de Leconte de Lisle était désormais arrêtée ; il ne ferait plus un pas vers l’Académie : il attendrait d’être invité par elle avant de se remettre sur les rangs. Ce geste se produisit en 1884. L’Académie se décida spontanément à offrir, à l’auteur des Poèmes Barbares, le prix Jean Reynaud.

Cette fois, malgré l’ombrageuse fierté du poète, ses amis l’obligèrent à reconnaître que les Immortels avaient voulu lui rendre hommage, lui faire « une avance »[1].

Ce fut de la Bretagne, où il était en villégiature, que le poète data sa lettre de candidature[2]. Sully-Prudhomme et François Coppée vinrent le voir dès son retour à Paris. Ils prévinrent ainsi sa visite académique, ne voulant pas permettre que ce fut lui qui se rendit chez eux — déjà Immortels — avec la figure d’un candidat.

D’ailleurs les luttes d’autan étaient finies. Les académiciens qui avaient été le plus prévenus contre l’auteur des Poèmes Barbares, ceux même qui avaient, jusqu’à ce jour, refusé de lire son œuvre à cause des tendances de son esprit, constatèrent, en fréquentant celui qu’ils avaient jugé comme un sceptique ironique et froid, que le poète avait gardé une jeunesse de sentiment, une ardeur de passion

  1. L’Académie, lui écrivait-on, vous fait une véritable avance. Vous pourriez l’accepter dans toute sa signification, sans le moindre scrupule. C’est elle qui sera honorée de vous recevoir et les démarches préliminaires sont de pures formalités ». Docteur Samuel Pozzi, juin 1884. « Constatez, lui faisait remarquer un autre ami, que vous n’avez pas que des ennemis à l’Académie, ce serait, je crois, le moment de vous présenter. Faites vos visites. Soyez aimable comme vous savez l’être. Lettre du sculpteur Christophe, juin 1884
  2. Une note, publiée dans le journal le Soir, le 8 août 1885, dit : « Voilà qui est fait : M. Camille Doucet a donné lecture à l’Académie Française de la lettre par laquelle M. Leconte de Lisle pose sa candidature au fauteuil vacant par la mort de Victor Hugo. Nous savions, depuis quelques jours, que M. Leconte de Lisle avait été pressé d’écrire cette lettre ; mais on ajoute tout bas que le poète ne s’y est décidé qu’après avoir eu < l’assurance » d’être agréé par la « docte compagnie ».