Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/119

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— Il outrage sa mère ! dit enfin la générale avec une grande sévérité.

— De grâce, ma mère, que dites-vous là ?

— Tu es un profond égoïste, Yégorouchka ! poursuivit la générale avec une animation croissante.

— Ma mère ! Ma mère ! Moi, un profond égoïste ? s’écria désespérément mon oncle. Voici cinq jours que vous êtes fâchée contre moi et que vous ne me dites pas un mot. Et pourquoi ? pourquoi ? Qu’on me juge ! Que tout le monde me juge ! Qu’on entende enfin ma justification ! Pendant longtemps je me suis tu, ma mère ; jamais vous n’avez voulu m’écouter ; que tout le monde m’écoute, à présent. Anfissa Pétrovna ! Paul Sémionovitch, noble Paul Sémionovitch ! Serge, mon ami, tu n’es pas de la maison ; tu es pour ainsi dire un spectateur ; tu peux juger avec impartialité...

— Calmez-vous, Yégor Ilitch ; calmez-vous ! s’écria Anfissa Pétrovna. Ne tuez pas votre mère.

— Je ne tuerai pas ma mère, Anfissa Pétrovna, mais frappez ! Voici ma poitrine ! continuait mon oncle au paroxysme de l’excitation, comme on voit les hommes de caractère faible une fois à bout de patience, encore que toute cette belle ardeur