Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/276

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— Allons, Yégor Ilitch, quand vous aurez fini de chuchoter, nous partirons ! cria encore M. Bakhtchéiev. À moins que vous ne préfériez faire dételer et nous offrir une collation ! Qu’en pensez-vous ? Un petit verre d’eau de vie ?

Cela fut dit d’un ton tellement furibond qu’il était impossible de ne point déférer sur le champ au désir de M. Bakhtchéiev. Nous montâmes séance tenante dans la calèche, et les chevaux partirent au galop.

Pendant quelque temps, tout le monde garda le silence. L’oncle me regardait d’un air entendu, mais ne voulait point parler devant les autres. Parfois, il s’absorbait dans ses réflexions, puis il tressaillait comme un homme qui s’éveille et regardait autour de lui avec agitation. Mizintchikov semblait calme et fumait son cigare dans l’extrême dignité de l’honneur injustement offensé.

Mais Bakhtchéiev s’emportait pour tout le monde. Il grognait sourdement, couvait les hommes et les choses d’un œil franchement indigné, rougissait, soufflait, crachait sans cesse de côté et ne pouvait prendre sur lui de se tenir tranquille.

— Êtes-vous bien sûr, Stépane Alexiévitch, qu’ils soient partis pour Michino ? s’enquit soudain mon oncle. Et, se tournant vers moi, il