Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/334

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temps. Votre mère ne nous donnera pas sa bénédiction… les autres non plus. Vous êtes trop généreux pour vous repentir plus tard, mais vous serez malheureux à cause de moi… victime de votre bon cœur.

— Oh ! c’est bien vrai, Nastenka ! C’est un bon cœur… acquiesça Éjévikine qui se tenait de l’autre côté du fauteuil, c’est cela, ma fille, c’est justement le mot qu’il fallait dire !

— Je ne veux pas être une cause de dissentiments dans votre maison, continua Nastenka. Ne vous inquiétez pas de mon sort, Yégor Ilitch, personne ne me fera de tort, personne ne m’insultera… Je retourne aujourd’hui même chez mon père. Il faut nous dire adieu, Yégor Ilitch…

La pauvrette fondit encore en larmes.

— Nastassia Evgrafovna, est-ce votre dernier mot ? fit mon oncle en la regardant avec une détresse indicible, dites une seule parole et je vous sacrifie tout !

— C’était le dernier mot, le dernier ! dit Éjévikine, et elle vous a si bien dit tout cela que j’en suis moi-même surpris. Yégor Ilitch, vous êtes le meilleur des hommes et vous nous avez fait grand honneur ! beaucoup d’honneur ! trop d’honneur !… Cependant, elle n’est pas ce qu’il vous faut, Yégor