Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des mains qui le retenaient ; il exigeait son bâton ; il suppliait qu’on lui rendit sa liberté, qu’on le laissât partir aux quatre coins du monde. Il avait été déshonoré et battu dans cette maison où il n’était revenu que pour arranger le bonheur de tous ! Mais pouvait-il rester dans « la maison d’ingratitude ? » Pouvait-il manger des « stchis » qui, « bien que nourrissants, n’étaient assaisonnés que de coups ? » Mais, à la fin, sa résistance mollissait sensiblement. On l’avait de nouveau installé dans le fauteuil où son éloquence ne tarissait pas.

— Que j’ai eu à souffrir ici ! criait-il. Est-ce qu’on ne me tirait pas la langue ? Et vous-même, colonel, ne m’avez-vous pas fait la nique à toute heure, tel un enfant des rues ? Oui, colonel, je tiens à cette comparaison, car, si vous ne m’avez pas proprement fait la nique, c’était une incessante et bien plus pénible nique morale. Je ne parle pas des horions...

— Foma ! Foma ! s’écria mon oncle. Ne rappelle pas ce souvenir qui me tue ! Je t’ai déjà dit que tout mon sang ne suffirait pas à laver cette offense. Sois magnanime ! oublie ; pardonne et reste pour contempler ce bonheur qui est ton œuvre...