Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/369

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connûmes le mot de cette énigme. Dans la porte s’encadra Korovkine en personne ; il s’efforçait d’écarter Vidopliassov pour se mieux révéler à la société surprise.

C’était un homme de petite taille, mais râblé, d’une quarantaine d’années, aux cheveux noirs grisonnants et taillés en brosse, au visage rouge et plein, aux petits yeux injectés de sang. Il avait une haute cravate de crin et portait un frac extrêmement usé, déchiré sous l’aisselle et tout couvert de duvet et de foin, un impossible pantalon et une crasseuse casquette qu’il tenait à la main. Il était abominablement ivre. Parvenu au milieu de la pièce, il s’arrêta, vacillant, et parut un instant plongé dans une profonde méditation d’ivrogne ; puis sa figure s’épanouit en un large sourire.

— Excusez, Messieurs et Mesdames ! Je crois que je suis un peu… (ici, il s’appliqua une tape sur la tête).

La générale se couvrit d’une expression de dignité offensée. Toujours assis dans son fauteuil, Foma toisait avec ironie l’excentrique visiteur que Bakhtchéiev contemplait avec un étonnement où il y avait de la compassion. La confusion de mon oncle était immense. Il souffrait le martyre pour Korovkine.