Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/382

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Créateur !… Tu dois bien te rappeler ce jardin, Sérioja, où tu courais, où tu jouais, étant petit. Je me souviens du temps où tu étais petit. — (Il me regarda avec amour, avec bonheur) — On te défendait seulement de t’approcher par trop de l’étang. As-tu oublié que la défunte Katia t’appela un soir et qu’elle te caressait… Tu avais couru toute la journée et tu étais tout rose avec tes cheveux blonds et bouclés… Elle joua avec tes boucles et me dit : « Nous avons bien fait de prendre chez nous cet orphelin ». T’en souviens-tu ?

— À peine, mon oncle.

— C’était vers le soir ; le soleil vous baignait tous deux, et moi, dans un coin, je fumais ma pipe en vous regardant… Je visite sa tombe chaque mois (et sa voix se fit plus basse et tremblante de sanglots refoulés). J’en ai parlé à Nastia qui m’a répondu que nous irions tous les deux.

Mon oncle se tut, combattant son émotion. À ce moment, Vidopliassov s’approcha de nous.

— Vidopliassov ! — cria mon oncle avec animation. — Tu viens de la part de Foma Fomitch ?

— Non ; je viens plutôt pour mon propre compte.

— C’est parfait, en tout cas, car tu vas nous