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LE CRIME ET LE CHATIMENT. 149

koff, qui n’avait aucun besoin de ce secours, tandis que de la main droite il lui portait à la bouche une cuillerée de soupe, après avoir soufflé dessus plusieurs fois pour que son ami ne se brulât pas en l’avalant. Pourtant, le potage était presque froid. Raskolnikoff en absorba avidement trois cuillerées, mais ensuite Razoumikhine suspendit brusquement son office, déclarant que pour le surplus il fallait consulter Zosimoff.

Sur ces entrefaites, Nastasia apporta les deux bouteilles de bière.

— Veux-tu du thé ?

— Oui.

— Va vite chercher le thé, Nastasia, car, en ce qui concerne ce breuvage, m’est avis que la permission de la Faculté n’est pas nécessaire. Mais voilà la bière !

Il alla se rasseoir sur sa chaise, approcha de lui la soupière ainsi que le bœuf, et se mit à dévorer avec autant d’appétit que s’il n’avait pas mangé depuis trois jours.

— Maintenant, ami Rodia, je dîne ainsi chez vous tous les jours, murmurait-il la bouche pleine, — c’est Pachenka, ton aimable logeuse, qui me régale de la sorte : elle a beaucoup de considération pour moi. Naturellement, je me laisse faire. À quoi bon protester ? Mais voilà Nastasia qui arrive avec le thé. Elle est expéditive. Nastenka, veux-tu de la bière ?

— Est-ce que tu te moques de moi ?

— Mais du thé, tu en prendras bien ?

— Du thé, oui.

— Sers-toi. Ou plutôt, non, attends, je vais te servir moi-même, Mets-toi à table.

Entrant aussitôt dans son rôle d’amphitryon, il remplit successivement deux tasses ; puis il laissa là son déjeuner et alla se rasseoir sur le divan. Comme tout à l’heure quand il s’était agi de la soupe, ce fut encore avec les attentions