Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/94

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— Ah ! c’est juste ! Ayez soin de votre santé…

— De mon côté je ne sais quels vœux faire pour vous ! répondit Raskolnikoff ; il commençait déjà à descendre l’escalier, mais soudain il se retourna vers Porphyre : — Je vous souhaiterais volontiers plus de succès que vous n’en avez eu aujourd’hui : voyez pourtant comme vos fonctions sont comiques !

À ces mots, le juge d’instruction, qui s’apprêtait déjà à regagner son appartement, dressa l’oreille.

— Qu’est-ce qu’elles ont de comique ? demanda-t-il.

— Mais comment donc ! Voilà ce pauvre Mikolka ; combien vous avez dû le tourmenter, l’obséder, pour lui arracher des aveux ! Jour et nuit sans doute vous lui avez répété sur tous les tons : « Tu es l’assassin, tu es l’assassin… » Vous l’avez persécuté sans relâche selon votre méthode psychologique. Or, maintenant qu’il se reconnaît coupable, vous recommencez à le turlupiner en lui chantant une autre gamme : « Tu mens, tu n’es pas l’assassin, tu ne peux pas l’être, tu ne dis pas la vérité. » Eh bien, après cela, n’ai-je pas le droit de trouver comiques vos fonctions ?

— Hé ! hé ! hé ! Ainsi vous avez remarqué que tout à l’heure j’ai fait observer à Nicolas qu’il ne disait pas la vérité ?

— Comment ne l’aurais-je pas remarqué ?

— Hé ! hé ! Vous avez l’esprit subtil, rien ne vous échappe. Et, en outre, vous cultivez la facétie, vous avez la corde humoristique, hé ! hé ! C’était, dit-on, le trait distinctif de notre écrivain Gogol ?

— Oui, de Gogol.

— En effet, de Gogol… Au plaisir de vous revoir.

— Au plaisir de vous revoir…

Le jeune homme retourna directement chez lui. Arrivé à son domicile, il se jeta sur son divan, et, durant un quart d’heure, il tâcha de mettre un peu d’ordre dans ses idées, qui étaient fort confuses. Il n’essaya même pas de s’expli-