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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN
Extrait du no 44 du journal "Grajdanine", 1873.


La conspiration monarchiste de la majorité de l’Assemblée Nationale contre la France ne paraît pas finir de façon brillante. Le prétendant, au dernier moment, a définitivement refusé le drapeau tricolore. Comme de raison, le projet de le proclamer roi est tombé de lui-même pour un temps. Mais ces conspirateurs de l’Assemblée Nationale se sont remis bien vite à conspirer. Ils veulent faire proroger leurs pouvoirs coûte que coûte et même en dépit de la loi. S’ils réussissent — et à en juger par un télégramme de Versailles du 5 novembre, il y a des chances pour qu’ils atteignent le but visé — cette affaire aura une conclusion lamentable pour le pays.

À la fin d’un de nos comptes rendus nous disions que le comité Changarnier, c’est-à-dire le noyau de la coalition de tous les partis et sous-partis de la Droite, effrayé de la persévérance des républicains et de l’indignation du pays, avait décidé d’envoyer à Salzbourg, au prétendant, une dernière députation, chargée d’arracher quelques concessions. Cette démarche démontrait que si les royalistes affirmaient que tout était arrangé entre le comte de Chambord et eux, il n’y avait, au contraire, aucune entente pratique. Il est même possible que, non contents de tromper la France, ces brouillons trop pressés se trompaient entre eux et s’abusaient eux-mêmes chacun en particulier.

Tout à coup paru une nouvelle sensationnelle : le compte de Chambord acceptait tout, aussi bien les principes de 89, « chers à tous les Français », qu’une constitution et que le drapeau tricolore. Il semble étonnant que ces habiles négociateurs aient tout compris de travers et cependant on a prétendu, et à Versailles et à Paris, que leur récit de leur entrevue avec le prétendant était de tous points inexact. Le comte de Chambord n’avait rien accepté, rien promis. L’Assemblée lui aurait fait alors

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