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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

Mac-Mahon ait décliné le titre de lieutenant général, il le garde en dépit de son refus et que, si l’on trouve un moyen de proclamer le roi, le maréchal devra céder la place au gouvernement nouveau malgré sa prorogation de pouvoirs. Dans un ordre d’idées tout différent, le centre droit, jusqu’à présent si bien d’accord avec les légitimistes, exige, à l’heure qu’il est, que Mac-Mahon ne soit plus un dictateur nommé pour dix ans, mais bien un pur et simple président de la République pour la même période, de façon que son pouvoir, plus étendu peut-être que ne le souhaiteraient les républicains, soit suffisamment délimité au sens parlementaire du mot.

Les autres groupes de la droite se sont fractionnés également. Chaque sous-parti consent à proroger les pouvoirs du maréchal de Mac-Mahon, mais chacun à un but différent. De divisions en subdivisions, l’ex-majorité en est venue à ne plus être une majorité et à ne plus rien signifier d’intelligible.

On peut alors facilement conjecturer que tel membre du centre droit, par exemple, se serait fait un malin plaisir de voter pour un membre du centre gauche pour atteindre plus sûrement son but particulier. Puis il est évident qu’il y a eu des défections secrètes, des trahisons.

Ainsi le trait caractéristique de l’Assemblée actuelle c’est sa parfaite désunion, car la gauche, elle-même, maintenant qu’elle se croit certaine de triompher, ne serre plus les rangs comme à l’heure du péril.

D’après les dernières nouvelles, Rémusat et Léon Say, membres de la commission spéciale, entrent en pourparlers avec le maréchal de Mac-Mahon. Sans doute la commission finira par maintenir le maréchal à la tête du gouvernement, sinon pour dix, au moins pour cinq ans, mais avec le titre de président de la République, après formelle proclamation de la République. Il est clair qu’elle exigera aussi l’examen immédiat des lois constitutionnelles proposées du temps de M. Thiers.

Il se forme aussi dans l’assemblée un assez fort parti décidé à réclamer l’appel au peuple et la proclamation de la République par le suffrage universel. Thiers, plus persuadé que jamais de la victoire, dit à son entourage :