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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

affluèrent dans les caisse des journaux et des Comités slaves. Il n’y avait là rien d’illégitime ni d’anti-gouvernemental. Et l’o ne peut considérer comme coupables les princes slaves qui ont entrepris une guerre de délivrance. Nous admettons que Milan de Serbie ne fût pas entièrement indépendant, qu’il dût au Sultan une certaine soumission de vassal. Un journal russe lui reprocha même d’être un émeutier qui s’armait contre son « suzerain ». Cela regarde Milan et Milan seul. Mais la Russie n’a rien à se reprocher à l’égard du Sultan. Les offrandes affluèrent de plus belle. Un jeune général russe, connu par ses succès en Asie centrale, et en congé à l’époque, partit de son propre mouvement pour la Serbie, où il offrit ses services au prince Milan. Il vit ses offres agréées, et c’est alors que l’on vit apparaître en Serbie les volontaire russes. De nouvelles recrues se présentèrent, et la Russie leur fournit son aide. On peut dire que toute la Russie les suivit t non pas seulement une bande de fainéants et d’ivrognes, comme le prétend Lévine. Toute la Russie décida qu’il s’agissait d’une bonne œuvre, et le mouvement de tout le peuple russe demeurera l’une des pages les plus honorables de notre histoire. Il est inutile, selon moi, de démontrer à Lévine qu’il n’y avait dans ces troupes ni fainéants, ni ivrognes. Ce serait même une offense au peuple russe. L’essentiel est que tout s’est passé ouvertement, à la face du monde. S’il y avait de mauvais drôles dans ses armées improvisées, ils ont, en tout cas, donné leur vie pour une grande et belle œuvre, et il est faux d’affirmer que les gens perdus aient constitué la majorité des volontaires. Personne non plus n’a déclaré la guerre, en dehors du gouvernement. La comtesse Lydie et Mme Stahl n’y étaient pour rien. Si l’on nous reproche d’avoir fourni des secours en argent nous serons forcés d’accepter le reproche, et nous ajouterons même que nous l’avons fait avec le souhait sincère de voir les Turcs se casser le cou. Est-il défendu par le gouvernement d’aider les Chrétiens en désirant vivement que les Turcs fassent la culbute ? Je ne le crois pas ; car les volontaires ont reçus leur passe ports des mains d’agents du gouvernement. Du reste, qui sait ? Peut-être