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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

lement n’expriment aucune volonté, mais encore n’ont aucune idée.

Du reste la volonté du peuple, c’est bientôt dit ; cela ne désigne rien de façon exacte. Le grand mouvement du peuple, l’an dernier, n’a signifié qu’une chose, à savoir que le peuple avait grande compassion des opprimés, était guidé par son zèle pour le Christ, impressionné par une sorte de repentir. Il était dans le même état que quand il se prépare à la confession… J’avoue que j’ai été très heureux de trouver dans la bouche de Lévine de expression comme la bande à Pougatscheff. J’ai compris qu’ici, ce n’était plus l’auteur qui parlait. Il est resté dans les droits de l’artiste en prêtant à Lévine un langage exagéré et furibond, qu’on peut attendre d’un homme de son caractère. Toutefois, justement parce qu’on en arrive aux gros mots et à « la bande à Pougatscheff » je voudrais bien expliquer l’énigme du caractère conscient du mouvement populaire de l’année dernière ; car on en a fait une énigme dans certains milieux. « Comment ! ce n’est que’hier que le peuple sait quelque chose sur les Slaves ; il ne connaît ni histoire, ni géographie, et tout à coup il s’emballe en faveur des Slaves, il s’en amourache ! »

Lévine s’est hâté de l’expliquer par une campagne faite par certaines gens dans un but intéressé. Serge Ivanovitch nous est bien donné comme un défenseur du mouvement national, mais il défend mal sa cause. Il s’emballe, lui aussi, et nous est présenté sous un jour un peu comique. Le sentiment du peuple est pourtant bien clair. Je veux le faire comprendre pour éviter les erreurs et surtout les énigmes