Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/71

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Pavlovitch aimait-il Natalia Vassilievna jusqu’à l’entière abnégation de soi ; mais il était impossible d’en rien savoir, vu la manière dont elle avait organisé leur vie.

Durant son année de séjour à T…, Veltchaninov, plus d’une fois, s’était demandé si ce mari n’avait rien remarqué de leur liaison. Il avait même interrogé à cet égard, très sérieusement, Natalia Vassilievna, qui, chaque fois, s’était mise en colère, et invariablement avait répondu qu’un mari ne sait rien de ces choses, et ne peut jamais rien en savoir, et que « tout cela ne le regarde en aucune façon ». Autre détail curieux : jamais elle ne se moquait de Pavel Pavlovitch ; elle ne le trouvait ni laid ni ridicule, elle l’aurait même résolument défendu si quelqu’un s’était permis quelque impolitesse à son égard. N’ayant pas eu d’enfants, elle avait dû se consacrer exclusivement à la vie mondaine ; mais elle aimait son intérieur. Les plaisirs mondains ne l’absorbèrent jamais complètement, et elle aimait les occupations du ménage, le travail à la maison. Pavel Pavlovitch rappelait tout à l’heure leurs soirées de lectures communes ; c’était vrai : Veltchaninov lisait, Pavel Pavlovitch lisait aussi, et même lisait très bien à haute voix, au grand étonnement de