Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

respect je professe pour les enfants ? Et si je viens de m’exprimer avec tant de franchise au sujet de vos visages, ne croyez pas que je l’aie fait par naïveté : oh ! non, ce n’est pas cela du tout ! J’avais peut-être mon idée.


VII

Quand le prince eut cessé de parler, toutes ses auditrices, y compris même Aglaé, le regardèrent gaiement, mais la plus contente était Élisabeth Prokofievna.

— Voilà l’examen passé ! s’écria-t-elle. — Eh bien, mesdemoiselles, vous vous apprêtiez à le protéger comme un pauvret, et c’est tout au plus si lui-même se soucie de votre protection ; il a soin de vous dire qu’il ne viendra que de loin en loin. Du coup, nous voilà mystifiées, et j’en suis bien aise ; mais le plus attrapé est Ivan Fédorovitch. Bravo, prince ! on leur avait ordonné tantôt de vous faire passer un examen. Mais ce que vous avez dit de mon visage est parfaitement vrai : je suis un enfant et je le sais. Je le savais avant que vous l’ayez dit ; vous avez précisément exprimé d’un mot ma pensée. Je crois que votre caractère est de tout point conforme au mien, et j’en suis enchantée ; nous nous ressemblons comme deux gouttes d’eau. Seulement vous êtes un homme et je suis une femme, de plus je n’ai pas été en Suisse ; voilà toute la différence.

— N’allez pas si vite, maman, cria Aglaé, — le prince dit qu’il avait son idée en s’exprimant avec cette franchise et qu’il ne l’a point fait par naïveté.

— Oui, oui, firent en riant les deux autres.

— Ne riez pas, chéries, à lui tout seul il est peut-être plus malin que vous trois. Vous verrez. Mais, prince, pourquoi n’avez-vous rien dit d’Aglaé ? Elle attend, et moi aussi.