DEUXIÈME PARTIE
I
Deux jours après l’étrange aventure par laquelle se termine la première partie de notre récit, le prince Muichkine s’empressa de se rendre à Moscou pour entrer en possession de son héritage inattendu. On a dit alors que d’autres causes encore avaient pu provoquer ce brusque départ ; mais nous avons assez peu de renseignements sur ce point, comme en général sur l’existence du prince à Moscou et pendant les six mois qu’il resta absent de Pétersbourg. Ceux-là mêmes qui, pour certaines raisons, pouvaient n’être pas indifférents à son sort, demeurèrent durant tout ce temps presque sans nouvelles de lui. Quelques bruits arrivèrent bien, de loin en loin, aux oreilles de plusieurs d’entre eux, mais c’étaient des rumeurs étranges pour la plupart, et presque toujours en contradiction les unes avec les autres. Nulle part, naturellement, on ne s’intéressait plus au prince que chez les Épantchine, à qui, en partant, il n’avait même pas dit adieu. À la vérité, le général l’avait vu alors, et même deux ou trois fois ; ils s’étaient entretenus sérieusement ensemble. Mais si Ivan Fédorovitch personnellement avait vu le prince, il n’avait pas fait part de cette circonstance à sa famille. Au début, c’est-à-dire pendant tout le premier mois qui suivit