par la passion, l’homme, le vieillard surtout, s’aveugle au point d’espérer là où l’espoir est complètement chimérique ; bien plus, il perd le jugement et agit comme un petit sot, eût-il, d’ailleurs, la sagesse de Salomon. On savait que, pour l’anniversaire de la naissance de Nastasia Philippovna, le général se disposait à lui offrir des perles magnifiques et d’une valeur énorme. Quoiqu’il connût le désintéressement de la jeune femme, il attachait une grande importance à son cadeau, et, vingt-quatre heures avant de le remettre, il était dans une sorte de fièvre, nonobstant l’adresse avec laquelle il simulait le calme. Justement, la générale Épantchine avait entendu parler de ces perles. Sans doute, habituée depuis longtemps aux infidélités de son époux, Élisabeth Prokofievna n’y faisait plus guère attention, mais, dans le cas présent, il était impossible de fermer les yeux : ce qu’on lui avait dit des perles l’avait vivement intéressée. Ivan Fédorovitch s’en aperçut à temps ; la veille déjà certains petits mots lui avaient fait dresser l’oreille ; il pressentait une explication sérieuse et il en avait peur. Voilà pourquoi, le matin où commence notre récit, il ne tenait pas du tout à déjeuner dans le giron de la famille. Dès avant l’apparition du prince, il avait résolu de s’esquiver en prétextant une affaire quelconque. L’essentiel pour lui était d’arriver sans encombre à la fin de la journée. Et tout d’un coup le prince survenait comme à point nommé pour sauver la situation. « C’est le ciel qui l’a envoyé ! » pensa le général en se rendant auprès de sa femme.
V
Élisabeth Prokofievna était fière de sa naissance. Que devint-elle lorsque, de but en blanc sans la moindre préparation, on lui apprit que le dernier représentant de sa race, ce