Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/170

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— Maman, dit en riant Adélaïde, — nous faisions seulement la remarque que le prince s’était retiré d’une façon admirable : parfois il a l’air d’un vrai sac, et tout à l’heure, quand il est parti, il a salué comme… comme aurait pu le faire Eugène Pavlitch.

— Le cœur même enseigne la délicatesse et la dignité, il n’est pas besoin pour cela d’un maître de danse, conclut sentencieusement la générale, et, sans même jeter les yeux sur Aglaé, elle remonta dans son appartement.

Lorsque le prince rentra chez lui, vers neuf heures, il trouva sur la terrasse Viéra Loukianovna et la servante. Elles venaient de ranger et de balayer, ce qui n’était pas inutile après la soirée de la veille.

— Grâce à Dieu, nous avons pu finir avant votre arrivée ! dit joyeusement Viéra.

— Bonjour ; j’ai un peu de vertige, je n’ai pas bien dormi, je me coucherais volontiers.

— Ici sur la terrasse, comme hier ? Bien. Je vais dire à tout le monde de vous laisser reposer. Papa est sorti.

La servante se retira. Viéra fit d’abord mine de la suivre, puis, revenant sur ses pas, elle s’approcha du prince ; la jeune fille était soucieuse.

— Prince, ayez pitié de ce… malheureux ; ne le mettez pas à la porte aujourd’hui.

— Non, certes, je ne le mettrai pas à la porte, il est libre de rester ici, si bon lui semble.

— À présent il ne fera plus rien et… ne soyez pas sévère avec lui.

— Oh ! non, pourquoi donc le serais-je ?

— Et… ne vous moquez pas de lui ; c’est le point le plus important.

— Pas de danger que je me moque de lui ! Viéra rougit.

— Je suis bête de parler de cela à un homme tel que vous… Mais quoique vous soyez fatigué, ajouta-t-elle en riant (elle avait déjà fait demi-tour pour s’en aller), — vous