Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/177

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— Les railleries ! cria Lébédeff en frappant ses mains l’une contre l’autre.

— Allons, allons, allons, c’est bien, je ne me fâche pas, c’est de tout autre chose qu’il s’agit ici… J’ai peur pour les gens. Qui soupçonnez-vous ?

— La question est très-délicate et… très-complexe ! Je ne puis pas soupçonner la servante : elle est restée dans sa cuisine. Mes enfants non plus…

— Il ne manquerait plus que cela !

— Par conséquent, c’est un des visiteurs.

— Mais est-ce possible ?

— C’est souverainement impossible, c’est de toute impossibilité, mais c’est forcément ce qui doit être. Je veux bien admettre pourtant et même je suis persuadé que le vol, s’il y a eu vol, a été commis non dans la soirée, lorsque toute la société se trouvait réunie, mais la nuit, ou même ce matin, par un des visiteurs qui ont couché à la maison.

— Ah, mon Dieu !

— Naturellement je mets hors de cause Bourdovsky et Nicolas Ardalionovitch ; ils ne sont même pas entrés chez moi.

— Et quand même ils y seraient entrés ! Qui est-ce qui a logé chez vous ?

— En me comptant, nous sommes quatre qui avons passé la nuit dans deux pièces contiguës : le général, Keller, monsieur Ferdychtchenko et moi. Par conséquent, c’est un de nous quatre.

— Un des trois, voulez-vous dire ; mais lequel ?

— Je me suis compté pour être juste et n’oublier personne, mais convenez, prince, que je n’ai pas pu me voler moi-même, quoiqu’on ait déjà vu des cas de ce genre…

— Ah ! Lébédeff, que c’est ennuyeux ! interrompit le prince impatienté : — arrivez donc au fait, pourquoi lanternez-vous ainsi ?

— Restent, par conséquent, trois, et en premier lieu monsieur Keller, homme peu sûr, adonné à la boisson, et