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croix en souriant d’un sourire « intraduisible, » et se dirigea avec fermeté vers la terrible personne.

Il longea, pour faire court, les jardins coupés de ruelles. Il remarqua un potager commandé par une petite maison d’un étage, avec quatre fenêtres. À la hauteur du potager, il releva la tête et resta stupéfait : de l’autre côté de la haie, dans le potager, se tenait debout, sur un petit monticule, son frère Dmitri qui l’appelait en gesticulant, sans parler, craignant évidemment d’être entendu. Alioscha courut à lui :

— Heureusement tu m’as vu, j’aurais été obligé de crier, murmura Dmitri à voix basse. Saute par-dessus la haie, vivement… Comme cela tombe bien ! je pensais à toi.

Et Mitia, de sa main d’Hercule, souleva par le coude Alioscha et l’aida à sauter.

— Maintenant, allons ! reprit-il, transporté de joie.

— Où donc ? murmura Alioscha, regardant autour de lui dans ce jardinet désert. Il n’y a personne ici ! Pourquoi parlons-nous à voix basse ?

— Pourquoi ? Ah ! diable ! s’écria tout à coup Dmitri à pleine voix ; et en effet, pourquoi parler à voix basse ?… Mais, vois-tu, j’épie, je suis à l’affût d’un secret, et c’est parce que c’est un secret que je parle de façon à n’être pas entendu, comme un sot, puisqu’il n’y a pas d’intérêt à cela. Allons, viens et tais-toi. Laisse-moi d’abord t’embrasser.

Gloire à l’Éternel dans le ciel !
Gloire à l’Éternel en moi !

Ils parvinrent à une vérandah de vieille date ; sur une table branlante, enfoncée en terre et badigeonnée de vert,