Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/107

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de la terre. Car tu es un ange. Tu m'entendras et tu me pardonneras. J'ai besoin d'être absous par un être plus pur que moi. Écoute donc. Suppose que deux êtres se dégagent des choses terrestres et s'élèvent dans une atmosphère supérieure… Sinon tous deux, au moins l'un d'eux. Suppose encore que celui-ci, avant de disparaître, vienne à l'autre et lui dise : « Fais pour moi ceci ou cela… » des choses qu'on ne peut exiger de personne, qu'on ne demande que sur le lit de mort : se pourrait-il que celui qui reste refusât d'obéir, si c'est un ami, un frère ?

— J'obéirai. Mais qu'est-ce ? Parle vite.

— Vite !… Hum !… Ne te dépêche pas tant, Alioscha, et ne t'inquiète pas ; c'est inutile. Hé! Alioscha, quel dommage que tu ne t'exaltes jamais !… D'ailleurs, pourquoi faire ? Que dis-je donc là !

Homme, sois noble !

De qui est ce vers ?

Alioscha attendait sans répondre. Mitia resta longtemps silencieux, le front dans la main.

— Lioscha ! toi seul m'écouteras sans rire. Je voudrais commencer… ma confession… par un hymne de joie à la Schiller, An die freude[1] ! Mais je ne sais pas l'allemand. Ne va pas croire que je bavarde dans l'exaltation de l'ivresse. Il faut deux bouteilles de cognac pour me griser, et je n'en ai pas bu un grand verre. Vrai, je ne suis pas Fort, avec un grand F[2], mais je suis fort avec un petit f.

  1. A la joie !
  2. Il y a dans le texte un calembour intraduisible.