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106 LES FRÈRES KARAMAZOV.

moi; j'allais sortir quand tout à coup la porte s'ouvre et devant moi, chez moi, dans ma chambre, apparaît Kathe- rina Ivanovna. Personne ne l'avait rencontrée. Cela pouvait rester un secret pour tous. Je compris aussitôt de quoi il s'agissait. Elle entre, me regarde droit dans les yeux; ses regards sombres brillaient de résolution, d'insolence même. Mais la moue de ses lèvres laissait voir de l'hési- tation. « Ma sœur m'a dit que vous donneriez quatre mille cinq cents roubles si je venais les chercher... moi- même... Me voici, donner. » Elle haletait, sa voix s'étei- gnit brusquement... Alioscha, écoutes-tu? On dirait que tu dors.

— Mitia, je sais que tu me diras toute la vérité, dit avec émotion Alioscha.

— Tu la veux donc toute? Va! Je ne me ménagerai «pas. Ma première pensée fut celle d'un Karamazov... Un jour, mon frère, une tarentule m'a mordu : j'en fus quitte pour quinze jours de fièvre. Eh bien, à ce moment, je me sentis mordu par la tarentule , tu comprends? Je dévisa- geai Katherina Ivanovna. Tu la connais, tu sais comme elle est belle. Mais, à cette heure, elle était surtout belle de sa grandeur d'âme; et moi, auprès de cette résignée, de cette dévouée, je me sentais petit! Et elle dépendait de moi tout entière, corps et âme! La morsure de la taren- tule fut si cruelle que je crus mourir! Certes, je serais venu le lendemain demander la main de Katherina Iva- novna, et personne n'aurait rien su. Mais j'entendis en moi une voix me crier : « Demain ! elle te fera jeter dehors par un valet! » Je la regardai. Oui, la voix disait vrai. La colère me prit. H me vint le désir d'accomplir l'action la

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