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LES FRERES KARAMAZOV. 123

comme un homme qui s'éveille. Il reviendrait probable- ment bien vite à lui, mais, si on lui demandait quel était son lève, il ne saurait le dire, ne se souvenant de rien. Pourtant, il garde de cette sorte d'engourdissement une impression profonde et qui lui est chère, et elles s'accu- mulent en lui. ces inconscientes impressions : dans quel but? il ne le sait; mais un jour, peut-être, après une année de telles rêveries, il quittera tout et s'en ira à Jérusalem faire son salut, ou bien il incendiera son propre village, ou encore fera-t-il d'abord le crime et puis le pèlerinage*. Il y a beaucoup de semblables types dans notre peuple. Smer- diakov était un des plus caractérisés.

��Chose étrange, Fédor Pavlovitch, si gai dabord, s'assom- brit tout à coup. Il vida un verre de cognac.

— Allez-vous-en ! cria-t-il aux domestiques. Hors d'ici, Smerdiakov! Ce gamin ne nous quitte plus! C'est proba- blement toi qui l'intéresses, continua-t-il en s'adressant à ]\an. Que lui as-tu donc fait?

— Rien, c'est une fantaisie qu'il a.

— Ahl c'est que l'âne de Balaam pense, pense!... à perte de vue. Et Dieu sait où ses pensées peuvent le mener. H ne peut me souffrir, ni toi, ni Alioscha, il nous méprise tous. Mais il est si bon cuisinier ! et si honnête !

Et Fédor Pavlovitch se versa coup sur coup plusieurs petits verres.

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