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128 LES FRÈRES KARAMAZOV.

Je connais, pas loin de la ville où tu iras, une fillette. Elle va pieds nus , mais il ne faut pas dédaigner les pieds nus. Il y a souvent des trésors dans les fossés.

Il baisa bruyamment le bout de ses doigts.

— Pour moi , reprit-il avec une animation subite , comme s'il entamait un thème favori, pour moi... Eh! mes enfants, mes petits cochons! Pour moi... je n'ai ja- mais cru aux femmes laides; c'est mon Credo, comprenez- vous? Non, vous ne pouvez comprendre; aos veines sont encore pleines de lait, vous n'avez pas complètement brisé votre coquille. Il y a, selon moi, dans chaque femme, quelque chose de spécial qu'on ne retrouve en aucune autre; mais ce quelque chose, il faut savoir le trouver. C'est un talent. Le fait seul du sexe est déjà beaucoup... Même les vieilles filles ont des qualités qui font qu'on s'étonne de la sottise des gens qui ont laissé ces pauvres créatures vieillir iimtilement. Voilà une vagabonde : com- ment commencer avec elle? Il faut l'étonner ! — Savez-vous cela? — Il faut la mettre au point qu'elle soitàlafois trans- portée de joie et de honte. C'est facile : une fille comme elle, avoir attiré le regard d'un barine! — Alioscha, j'ai étonné aussi ta défunte mère , mais autrement. Jamais je ne l'avais caressée, et tout à coup je tombe à genoux devant elle ; je lui baise les pieds , et peu à peu je l'amène à ce rire sans éclat qui lui était particulier, un rire nerveux... Celui-là, elle seule l'avait. Je savais que c'était un sym- ptôme de maladie, que le lendemain la klikouscha aurait une crise, n'importe! c'était un sinmlacre de passion, de joie, et c'était toujours cela ! Voilà comme on trouve quand on sait chercher. Un jour, un certain Bieliavsky, un bel-

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