Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/150

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lants en parfaite harmonie avec cette pâleur chaude du visage parfaitement o\ aie. Mais il pensait que ces lèvres charmantes pouvaient très-bien ne pas retenir longtemps l’amour, — quoiqu’il comprît à merveille qu’on s’éprît d’elles. Quand Dmitri lui demanda son opinion, Alioscha ne lui cacha pas cette pensée.

— Tu seras heureux avec elle, mais peut-être... pas d’un bonheur tranquille.

— Frère, ces femmes-là restent toujours semblables à elles-mêmes, elles ne plient pas devant la destinée. Pourquoi donc veux-tu croire que je ne l’aimerais pas toujours ?

— Oui, tu l’aimeras toujours, sans doute... du moins, c’est possible; mais peut-être, néanmoins, ne seras-tu pas toujours heureux avec elle...

Alioscha n’avait exprimé cette opinion qu’en rougissant, et avec le dépit d’avoir, pour céder aux prières de son frère, laissé voir des pensées aussi « sottes ». Car aussitôt qu’il les eut dites, il les avait lui-même jugées sottes. D’autant plus fut-il étonné, quand, dès le premier regard qu’il jeta, lois de cette seconde entrevue, sur Katherina Ivanovna, il eut la conviction soudaine qu’il s’était trompé dans son premier jugement. Le visage de la jeune fille rayonnait autant de sincérité et d’ardeur que de beauté. Tout son être ne respirait qu’une noble énergie fondée sur une inébranlable confiance en elle-même. Alioscha com- prit aussitôt qu’elle avait conscience de la tragédie où elle était mêlée et que peut-être elle savait déjà tout. Il se sentait devant elle comme coupable, vaincu et séduit à la fois.

— Je vous attendais, commença-t-elle, car c’est de vous seul désormais que je puis savoir toute la vérité.