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LES FRERES KARAMAZOV. 141

Elle était en proie à une agitation extraordinaire, voi- sine de l'exaltation.

— Je suis venu... murmura Alioscha d'une voix entre- coupée, je... Il m'a envoyé.

— Ah! il vous a envoyé, je le pressentais. Maintenant, je sais tout, tout ! dit Katherina Ivanovna (ses yeux jetaient des éclairs). Attendez, Alexey Fédorovitch, je vais vous dire pourquoi je désirais vous voir. J'en sais peut-être plus que vous-même. Ce ne sont pas des nouvelles que j'espère de vous. Je veux savoir la dernière impression qu'il a produite sur vous, je Aeux que vous me racontiez le plus franchement, le plus grossièrement même que vous pour- rez, ce que vous pensez de lui maintenant, après votre dernière rencontre. Cela vaudra mieux qu'une explication entre lui-même et moi, puisqu'il ne veut plus me voir. Comprenez-vous ce que je vous demande ? Maintenant, dites-moi pourquoi il vous a envoyé. Parlez sans détours.

— Il m'a chargé de vous saluer et de vous dire qu'il ne viendra plus jamais et... de vous saluer...

— Saluer ? Il a dit ce mot ? C'est ainsi qu'il s'est exprimé ?

— Oui.

— Peut-être a-t-il dit un mot pour un autre?

— Non, il a insisté pour que je vous dise ce propre mot : « saluer. » Trois fois de suite, il m'a recommandé de ne pas oublier de vous dire ce mot même.

Le visage de Katherina Ivanovna s'empourpra.

— Aidez-moi, Alexey Fédorovitch, j'ai absolument besoin de vous. Voici ce que je pense, — dites-moi si j'ai tort : s'il vous avait dit de me saluer sans insister sur la trans- mission exacte du mot, sans le souligner, tout serait fini.

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