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142 LES FRÈRES KARAMAZOV.

Mais s'il a appuyé sur ce mot particulièrement, s'il vous a donné mission de me transmettre ce salui. c'est qu'il était très-exalté, hors de lui, peut-être : il aura pris un parti extrême dont il s'effrayait lui-même. Ce n'est pas de sang- froid qu'il a renoncé à moi, il lui a fallu faire un violent effort. Le fait d'avoir tant souligné ce mot a le sens d'une bravade.

— C'est celai c'est cela! approuva Alioscha avec cha- leur, je pense tout à fait comme vous.

— S'il en est ainsi, il n'est pas encore perdu. Ce n'est que du désespoir; je puis le sauver : ne vous a-t-il pas parlé d'argent, de trois mille roubles?

— Certes, et c'est peut-être ce qui l'obsède le plus. Il dit qu'il est perdu d'honneur et que tout lui est égal désor- mais, répondit Alioscha qui sentait l'espérance lui revenir et entrevoyait déjà une issue dans la situation affreuse de son frère. Mais est-ce que vous... vous... savez tout à propos de cet argent?...

— Depuis longtemps, j'ai télégraphié à Moscou et je sais que l'argent n'y est pas parvenu. La semaine dernière, j'ai appris que Dmitri avait encore besoin d'argent... Le seul but auquel je tende est de lui faire comprendre quelle est, pour lui, l'amitié la plus sûre, et il ne veut pas com- prendre que c'est moi qui suis son meilleur ami! Il ne voit que la femme en moi! Comment faire pour (ju'il puisse me dire sans honte qu'il a dépensé ces trois mille roubles? Car cette honte, il peut l'avoir pour tous, pour lui-même, mais pour moi ! Il dit bien tout à Dieu Siins en rougir! Pourquoi me méconnaît-il? Comment ose-t-il me méconnaître après tout ce qui est arrivé? Je veux le sauver. S'il le faut.

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