Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/210

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— Je crois que le duel est une très-belle chose, observa Maria Kondratievna.

— Pourquoi ?

— Ça fait peur... Quel courage! Surtout de jolis petits officiers avec des pistolets qui font feu... Quel tableau ! Ah! s’il était permis aux demoiselles de voir cela ! J’aimerais tant...

— Oui, c’est encore bien quand on tire; mais quand on est tiré... la sensation est sans agrément. Vous prendriez la fuite. Maria Kondratievna.

— Et vous? vous sauveriez-vous donc? Smerdiakov ne daigna pas répondre. Après un court

silence, un accord vibra de nouveau, et la voix aigrelette chanta un dernier couplet :

Malgré tous mes efforts,
Je tacherai de m’éloigner,
Pour joui-i-ir de la vie
Et vivre dans la capitale !
Et je ne me lamenterai pas,
Je ne me lamenterai pas du tout,
Et je n’ai pas du tout l’intention
De me lamenter !

Ici arriva un accident imprévu : Alioscha éternua. Un silence se fit sur le banc où le couple était assis. Alioscha se leva et vint aux deux amoureux. C’était en effet Smerdiakov , habillé on gentleman , pommadé . je crois même frisé, chaussé de bottines vernies. La guitare était posée près de lui sur le banc. La dame portait une robe bleu clair avec une traîne de deux archines. une jeune fille pas laide, bien qu’elle eût le visage trop rond et semé de taches de rousseur.