Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/214

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Alioscha savait qu’Ivan n’allait presque jamais dans les traktirs; il en conclut que le rendez-vous avec Dmitri était réel. Pourtant Dmitri ne se trouvait pas là.

— Je vais demander pour toi de la oukha, ou quelque autre chose... Tu ne vis pas de thé, je suppose?

— Soit, et du thé aussi, dit joyeusement Alioscha; j’ai faim.

— Et des confitures de cerises? Tu te rappelles, chez PolienoY, comme tu les aimais?

— Ah! tu t’en souviens 1 Oui, je les aime encore. Ivan sonna et commanda de la oukha, du thé et des

confitures.

— Je me rappelle tout, Alioscha. Tu avais onze ans, j’en avais quinze. Quatre ans, à cet âge-là, font une telle

différence qu’ils ne permettent pas la camaraderie

Je ne sais même pas si je t’aimais. Quand je suis allé à Moscou, dans les premiers temps, je ne pensais pas à toi; puis tu es venu toi-même à Moscou, et nous ne nous sommes rencontrés qu’une fois. Voici quatre mois que je suis ici, et nous n’avons guère causé. Je pars demain , et je songeais tout à l’heure que j’aimerais te voir pour ti’ faire mes adieux. Tu viens à propos 1

— Tu désirais beaucoup me voir ?

— Beaucoup. Je veux te connaître et me faire connaître de toi. Nous nous séparerons là-dessus. A mon sens, mieux vaut faire connaissance au moment de se quitter. J’ai bien vu que tu m’examinais jusqu’ici. Tes yeux trahissaient une attente perpétuelle. Je n’aime pas cela, et c’est ce qui m’éloignait de toi. Mais j’ai appris à t’estimer. t II a de la volonté, ce petit homme » , pensais-je .