Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/250

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là même ton pain pour suivre qui sut lui donner la paix de la conscience. En cela, tu avais raison; le secret de l’existence humaine consiste dans un motif de vivre. Si l’homme ne se représente pas fortement pourquoi il doit vivre, il se détruira plutôt que de continuer cette vie inexplicable, fût-il entouré d’une immense provision de pain. Mais quel parti as-tu tiré de cette vérité que tu avais surprise? Tu as élargi la liberté des hommes, au lieu de la confisquer. Avais- tu donc oublié que l’homme préfère à la liberté de choisir entre le bien et le mal la paix, fût-ce la paix de la mort? Eh! sans doute, rien ne plaît tant à l’homme que le libre arbitre ; rien aussi ne le fait tant souffrir. Et au lieu de principes solides qui pussent pacifier à jamais la conscience humaine , tu as composé ta doctrine de tout ce qu’il y a d’extraordinaire, de vague, de conjectural, de tout ce qui dépasse les forces des hommes, et, par là , tu fis comme si tu ne les aimais pas, toi qui mourus pour eux! En élargissant sa liberté, tu as introduit dans l’âme humaine de nouveaux éléments d’indestructible souffrance. Tu voulais être aimé d’un libre amour, Ubrement suivi. Au lieu de la dure loi ancienne, l’homme devait, d’un cœur libre, désormais, choisir entre le bien et le mal, sans rien pour le guider, que ton image : mais comment n’as-tu pas compris qu’il finirait par contester même ton image et même ta vérité, se sentant accablé sous le poids de ce fardeau terrible , le libre choix ? Il criera que la vérité n’est pas en toi ; car pourquoi, si tu avais possédé la vérité, aurais-tu laissé tes enfants dans une telle perplexité , en proie à tant de problèmes insolubles? Tu as donc préparé toi-même ta ruine :