Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/254

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par égard pour les fragilités de sa nature, autorisée même à pécher, pourvu qu’elle nous en demandât la permission? Pourquoi restes- tu silencieux? Pourquoi te bornes-tu à me regarder de tes pénétrants et doux yeux? Je ne t’aime pas et je ne veux pas de ton amour ; je préfère ta colère ! Et pourquoi dissimulerais-je avec toi ? Je sais à qui je parle, tu connais ce que j’a à te dire, je le lis dans tes yeux : pourquoi donc te cacherais-je notre secret? Peut-être précisément veux-tu l’entendre de ma bouche ? Écoute alors : nous ne sommes pas avec Toi, nous sommes avec Lui. . . voilà notre secret, il y a longtemps de cela, — huit siècles! — que nous ne sommes plus avec 7*0», mais avec Lui. Depuis juste huit siècles, nous avons reçu de lui ce dernier don que tu avais repoussé avec indignation , alors qu’il t’avait montré tous les royaumes de la terre : nous avons accepté , nous , Rome et le glaive de César , et nous nous sommes déclarés les maîtres de la terre. Pourtant, notre conquête n’est pas tout à fait achevée. Oh ! l’affaire n’est qu’au début; il y a loin encore avant l’achèvement; la terre a longtemps encore à souffrir; mais nous atteindrons notre but , nous serons César, et nous penserons alors au bonheur universel. Et Toi aussi, tu aurais pu prendre le glaive de César : pourquoi as-tu refusé le dernier don ? En acceptant , tu donnais aux hommes tout ce qu’ils cherchent sur la terre : un maître, un dépositaire de leur conscience et aussi un être qui leur fournit les moyens de s’unir pour ne plus faire qu’une grande fourmilière, car le besoin de l’union universelle est le troisième et dernier tourment de l'humanité. Toujours l’humanité, dans son ensemble, tendit à