Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/260

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impérial du Pape... Voilà leur idéal. Il n’y a là aucun mystère, aucune haute tristesse... Le plus simple désir de régner, la plus vile soif de bonheur terrestre , une sorte de servage futur avec ceci de particulier qu’ils seront, eux, les pomiesichikf , voilà tout. Ils ne croient peut-être pas en Dieu. Ton inquisiteur est de fantaisie...

— Arrête, arrête 1 dit en riant Ivan. Comme tu t’é- chauffes! De fantaisie, dis-tu? Soit, et certes ! Pourtant , crois-tu donc vraiment que tous ces mouvements catholiques des derniers siècles ne constituent qu’un effort d’asservissement terrestre ? N’as-tu pas pris cette croyance au Père Païssi ?...

— Non , non , au contraire , le Père Païssi a parlé une fois dans ton sens... Du moins... Certes, pas du tout la même chose... se reprit Alioscha.

— C’est un précieux renseignement , malgré ton « pas du tout la même chose ». Mais pourquoi les Jésuites et les inquisiteurs se seraient-ils unis seulement pour le bon- heur matériel? Ne peut-il se rencontrer parmi eux un seul martyr capable de noble et grande souffrance, et qui aimerait l’humanité ? Suppose qu’il s’en rencontre un seul, un seul dans le genre de mon vieil inquisiteur, qui a vécu de racines dans le désert et s’est obstiné à vaincre ses sens pour se rendre libre, pour s’élever jusqu’à la perfection; pourtant il a toujours aimé l’humanité : tout à coup il voit clair, il comprend qu’il pourrait, lui, atteindre au bonheur céleste, mais... et les autres millions d’humains ? Ils resteront à jamais mal équilibrés , trop faibles pour se servir de leur liberté. Ils se révolteront : mais jamais les pauvres âmes ne pourront terminer leur Tour et ce n’est