Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LES FRERES KARAMAZOV. 279

immobile. Elle portait une robe de soie noire et, sur les épaules, un fichu en dentelle qui lui seyait à ravir, épingle d'une broche en or massif. Elle semblait attendre quel- qu'un. Son visage était pâle, ses lèvres brûlantes, elle frappait du bout de son pied droit le bras du divan. Du vestibule ils l'entendirent demander d'une voix épeurée : « Qui est là? — Ce n'est pas lui ». dit la jeune bonne.

« Qu'y a-t-il donc »? se demandait Rakitine en introdui- sant Alioscha dans le salon. Grouschegnka s'était levée, le visage encore pâle de peur. Une épaisse natte de ses che- veux pendait en dehors du fichu et tombait sur son épaule droite. Elle n'y prit pas garde et n'arrangea pas sa coiffure avant d'avoir reconnu les visiteurs.

— Ah! c'est toi, Rakitkal Comme tu m'as fait peur! Avec qui es-tu ? Seigneur ! Ah I tu me l'amènes ? s'écria- t-elle en apercevant Alioscha.

— Fais-nous donc apporter de la lumière, dit Rakitine de l'air d'un familier.

— Certainement!... Fénia, des bougies!... Tu prends bien ton temps pour me l'amener !

Elle se tourna vers la glace et se mit à ranger ses che - veux. Elle semblait mécontente.

— Je tombe mal', hein? demanda Rakitine comme piqué.

— Tu m'as effrayée, voilà tout, dit Grouschegnka en se retournant avec un sourire vers Alioscha. N'aie pas peur de moi, mon cher petit Alioscha. Je suis enchantée de te voir. Je croyais que c'était Mitia qui enfonçait la porte. Vois-tu, je l'ai trompé tout à l'heure et il m'a juré qu'il me croyait, mais je le trompais : je lui ai dit que j'allais chez mon vieux faire des comptes, toute la soirée durant.

�� �