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Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 1.djvu/38

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demi-heure encore. On finit par parler de la réorganisation de la société d’après les principes des socialistes chrétiens.

— À ce sujet, dit Mioussov, permettez-moi de vous rapporter une petite anecdocte. C’était à Paris, quelque temps après le coup d’État du 2 décembre. J’étais en visite chez un personnage très-influent alors : je fis chez lui la connaissance d’un homme singulier, le chef de toute une bande d’espions politiques. Profitant de ce fait que j’étais reçu par un de ses supérieurs, — fait qui pouvait me faire augurer de sa part quelque considération, — je me mis à le questionner sur les agissements des socialistes révolutionnaires. Il me parla plus poliment que sincèrement, — à la française, — mais je finis par obtenir de lui une sorte d’aveu : « Quant aux socialistes anarchistes, athées et révolutionnaires, me dit-il, nous ne les craignons pas beaucoup. Nous les surveillons et sommes au courant de tout ce qu’ils font. Mais ceux qui sont à la fois chrétiens et socialistes, voilà des hommes terribles ! Ceux-là, nous les craignons ! » Ces paroles m’intriguèrent, et je ne sais pourquoi elles me reviennent aujourd’hui…

— Est ce à dire que vous parlez pour nous, et que vous nous prenez pour des socialistes ? dit presque brutalement le Père Païssi, un des moines.

Mais avant que Petre Alexandrovitch eût pu répondre, la porte s’ouvrit, et Dmitri Fédorovitch entra. On l’attendait si peu que son entrée soudaine étonna, au premier abord.

Dmitri était un jeune homme de taille moyenne, d’agréable extérieur, mais à qui l’on aurait donné plus