Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Donc, misérable, tu me croyais d’accord avec Dmitri pour tuer notre père ?

— Je ne connaissais pas vos pensées, et c’est pour les connaître que je vous ai arrêté auprès de la porte, quand vous alliez entrer.

— Quoi ? connaître quoi ?

— Précisément si vous désiriez que votre père fût tué. Ce qui exaspérait Ivan, c’était le ton provocant dont Smerdiakov semblait ne vouloir pas se départir.

— C’est toi qui l’as tué !

Smerdiakov sourit dédaigneusement.

— Vous savez fort bien vous-même que ce n’est pas moi, et j’aurais cru qu’un homme intelligent comme vous ne serait pas revenu sur cette question.

— Mais pourquoi, pourquoi avais-tu cette pensée ?

— Comme je vous l’ai déjà dit, par peur. Je me défiais de tout le monde.

— Ah çà ! il y a quinze jours tu parlais autrement.

— À l’hôpital ? Mais je sous-entendais la même chose, je pensais que vous m’aviez compris et que vous éviteriez cette explication.

— Voyez-vous cela ! Mais réponds donc, réponds ! J’insiste : Pourquoi cet ignoble soupçon est-il tombé dans ton ignoble cœur ?

— Tuer vous-même, vous ne le pouviez et ne le vouliez : mais qu’un autre assassinât, vous le vouliez.

— Avec quelle placidité il dit cela ! Mais pourquoi l’aurais-je voulu ?

— Comment, pourquoi ? Et l’héritage ? Vous deviez recevoir quarante mille roubles chacun, à la mort de votre