Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/231

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malade. Tu me regardes comme si tu ne comprenais pas ce que je te dis.

— C’est bien d’être venu, dit Ivan d’un air absorbé et comme s’il n’avait pas entendu l’exclamation d’Alioscha. Je savais qu’il se pendrait.

— Par qui le savais-tu ?

— Je ne sais pas par qui, mais je le savais… Le savais-je ? Oui, c’est lui qui me l’a dit, il vient justement de me le dire…

Ivan se tenait au milieu de la chambre, l’air toujours absorbé, regardant la terre.

— Qui, lui ? demanda Alioscha en regardant involontairement tout autour.

Il vient de se sauver.

Ivan leva la tête et sourit avec douceur.

— C’est de toi qu’il a eu peur, toi, la colombe. Tu es un « pur chérubin ». C’est Dmitri qui t’appelle ainsi chérubin… Le cri formidable des séraphins… Qu’est-ce qu’un séraphin ? Toute une constellation peut-être, et peut-être cette constellation n’est-elle qu’une molécule chimique… Existe-t-il une constellation du Lion et du Soleil ? Sais-tu ?

— Frère, assieds-toi, dit Alioscha effrayé, assieds-toi sur le divan, je t’en prie. Tu as le délire. Appuie-toi sur le coussin… C’est cela. Veux-tu une serviette mouillée sur la tête ? Ça te ferait du bien.

— Oui, donne-moi la serviette, ici sur la chaise… je viens de l’y jeter.

— Non, elle n’y est pas. Ne t’inquiète pas, la voici, dit Alioscha en ramassant dans un coin de la chambre, auprès