Page:Dostoïevski - Les Frères Karamazov 2.djvu/263

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de ce jeune homme… Mais assez sur ce malheureux vieillard : il a expié ! Rappelons-nous cependant, que c’était un père, un père « moderne ». Et sera-ce calomnier notre société, que de dire qu’il était un de nos nombreux pères modernes, avec seulement plus de cynisme peut-être ?… Voyez maintenant les fils de cet homme. L’un est devant vous sur le banc des accusés ; des autres, l’aîné, d’une intelligence rare, d’une instruction profonde, ne croit plus à rien et nie tout, précisément comme faisait son père. — Le plus jeune, encore un adolescent, est pieux et modeste ; mais il a les yeux pleins de ce désespoir où tombent ceux des nôtres qui attribuent tous nos maux au progrès de l’influence occidentale et ne veulent plus rien voir, plus rien aimer que les choses de leur propre pays : comme des enfants effrayés par les fantômes de leurs rêves se rejettent sur le sein tari de leur mère et voudraient y dormir, toute la nuit durant, s’ils pouvaient à ce prix échapper aux visions qui les épouvantent. »

Le procureur parla ensuite de l’influence des idées d’Ivan sur Smerdiakov, et surtout de ce Tout est permis que le laquais avait lui-même répété durant son interrogatoire. Il estimait que jusqu’à ces derniers événements, Smerdiakov avait été idiot, mais que, sous l’influence d’Ivan, l’idiot était devenu fou.

« Le troisième fils de cette famille moderne est sur le banc des accusés. Vous connaissez sa vie et ses exploits. Ivan Fédorovitch est un occidental, Alexey Fédorovitch est un moujikolâtre ; l’accusé représente la Russie naturelle… Non pas toute la Russie, Dieu nous en garde ! Et pourtant la voici, notre petite Russie, elle se reconnaît en lui, notre